STENDHAL (1783-1842). L.A., Smolensk à 80 lieues de Moscou 24 août 1812, [à son …
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STENDHAL (1783-1842).

L.A., Smolensk à 80 lieues de Moscou 24 août 1812, [à son ami Félix FAURE] ; 2 pages in-4. Superbe lettre de la Campagne de Russie. Il évoque d'abord le bonheur de son ami, qu'il envie. « Comme l'homme change ! Cette soif de voir que j'avais autrefois, s'est tout à fait éteinte depuis que j'ai vu Milan et l'Italie. Tout ce que je vois me rebute par la grossiereté. Croirais tu que sans rien qui me touche plus qu'un autre, sans rien de personnel, je suis quelquefois sur le point de verser des larmes. Dans cet océan de barbarie pas un son qui réponde à mon ame. Tout est grossier, sale, puant au phisique et au moral. Je n'ai eu un peu de plaisir qu'en me fesant faire de la musique sur un petit piano discord, par un être qui sent la musique comme moi la Messe. L'Ambition ne fait plus rien sur moi, le plus beau cordon ne me semblerait pas un dedommagement de la boue ou je suis enfoncé. Je me figure les hauteurs que mon ame (composant des ouvrages, entendant Cimarosa et aimant Angela sous un beau climat) que mon ame habite, comme des collines délicieuses loin de ces colines dans la plaine, sous des marais fétides, j'y suis plongé et rien au monde que la vue d'une carte geographique ne me rapelle mes colinnes »... Il a même un vif plaisir à faire des affaires officielles qui ont rapport à l'Italie ; trois ou quatre ont occupé son imagination comme un roman. ...« J'ai une contrariété de détails. J'ai traversé le pays de Wilna à Boyardowiscoma (près Krasnoi) où j'ai rejoint quand ce pays n'était pas organisé. J'ai eu des peines extrêmes phisiques. Pour arriver j'ai laissé ma caleche derriere et cette caleche ne rejoint point. Il est possible qu'elle ait été pillée. Pour moi personnellement ce ne serait qu'un demi malheur 4000f environ d'effets perdus et de l'incommodité, mais je portais des effets à tout le monde. Quel sot compliment à faire aux gens. Ceci cependant n'influe pas sur la maniere d'etre que je t'ai exposée. Je vieillis. Il depend de moi d'etre plus actif qu'aucune des personnes qui sont dans le Bau où j'écris, l'oreille assiégée par des platitudes [...] Tout cela tend furieusement à me faire demander la sous-pref. de Rome. Je n'hésiterais pas si j'étais sûr de mourir à 40 ans. Cela pêche contre le Bélisme. C'est une suite de l'exécrable éducation morale que nous avons reçue. Nous sommes des orangers venus par la force de leur germe au milieu d'un étang de glace en Islande »... Il presse son ami de lui écrire, et d'embrasser pour lui Angela et de l'aider. Il évoque Paris : « Je n'aime pas plus Paris, qu'à Paris, je suis blasé pour cette ville comme toi je crois, mais j'aime les sensations que Painting and opera Buffa m'y ont donné pendant 6 mois »... Il parle des nouveautés « comme l'art dramatique de Schlegel (l'ami de Mme de Staël) »... Correspondance générale, t. II, n° 818 (p. 352).

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